Пишем

L’ Humanité comme trait singulier de la Civilisation russe

1.

Lorsqu'un économiste parle de la Russie, il pense d'abord à la richesse de ses ressources, à son vaste territoire et au rôle des produits énergétiques russes dans le système de production mondial. Quand un historien parle de la Russie, il cite les guerres, les hommes d'État illustres comme Pierre le Grand ou Catherine la Grande, les événements grandioses qui ont influencé le monde entier, comme la révolution de 1917 ou le premier vol spatial. Lorsqu'un culturologue pense à la Russie, selon ses centres d'intérêt, il ne peut manquer de mentionner notre grande littérature, notre cinéma, les succès artistiques de l'avant-garde russe ou le ballet mondialement connu.

Mais l’homme de la rue qui visite la Russie pour la première fois ne commence pas comme ça : en règle générale, il parle de l'accueil chaleureux qu'il a reçu, de l'amabilité, de la cordialité, de l’empathie des Russes, de leur empressement à s’ouvrir à un séjournant, à un représentant d'une autre nation. Beaucoup se font des amis dès leur première visite, avec qui ils heureusement restent en contact de la manière la plus informelle et amicale. Généralement, les Russes ne sont accusés d'"impérialisme", d'arrogance ou de manque d'amabilité que par ceux pour qui l'existence même de la Russie est inacceptable et qui ne se sont pas eux-mêmes démarqués par une attitude consciencieuse et amicale à l'égard de notre pays.

Les expériences dures, largement tragiques, que la Russie a vécues au cours de son existence - guerres interminables, expériments sociaux cruels et périodes d'intimidation et d'isolement - n'ont pas réussi à chasser du caractère national russe ces traits qui décorent si bien la terre d’exil : la miséricorde, grandeur d'âme, l'amabilité, la compassion. Le dicton anglais "nothing personal", ça n'a rien de personnel, ne nous concerne absolument pas. Tout est "personnel" pour nous, nous donnons des émotions colorées à tout : à la politique, aux relations avec les autorités, aux affaires, même à l'expérience traumatisante de la guerre. Le chef d'État est presque toujours notre "père", parfois injuste et suscitant même un sentiment de protestation enfantine, mais toujours le nôtre, "donné par Dieu" (on ne choisit pas ses parents...) ! Avec nos partenaires commerciaux, nous ne gagnons pas seulement de l'argent, mais nous allons aussi à la pêche, aux bains publics, nous nous disputons et nous nous réconcilions d'une manière tout à fait familiale ; nous ressentons vivement la trahison, parce que "ce n'est pas comme ça que ça se passe dans la famille". Même notre attitude envers autres pays est généralement dictée par les émotions : nous cherchons toujours des "amis" parmi eux (et cela nous laisse tomber de temps en temps), nous compatissons à leurs malheurs, nous sommes prêts à tout partager avec eux sans hésiter, nous sommes prêts à accepter et à prendre soin de leurs enfants qui sont venus étudier chez nous.

Plus nous percevons avec acuité et désagrément le cynisme, l'hypocrisie et l'arrogance qui déterminent largement l'atmosphère internationale de nos jours. L'amertume de voir que notre amitié native, notre volonté de céder au nom de la paix et de la solidarité, a été perçue comme une faiblesse, comme une excuse pour nous presser de plus en plus tout en dévorant nos ressources énergétiques bon marché - cette amertume n'a cessé de croître ces dernières années et a fini par éclipser complètement le souvenir de notre ancienne alliance, de notre histoire commune et de nos glorieuses victoires conjointes. Nous aimions tant le cinéma français ! - Mais aujourd'hui, la perception de la culture française est complètement empoisonnée par la contre-haine, par les démarchages stupides et absurdes des politiciens français. Nous nous sommes réconciliés intérieurement avec les Allemands, qui sont venus deux fois en un siècle sur notre territoire avec des armes - mais aujourd'hui, les obus allemands explosent à nouveau dans nos villes, tuant des vieillards et des enfants. Et que dire de l'oncle d'outre-mer qui semble avoir cru sérieusement aux "méchants Russes" inventés et incarnés par Hollywood ! "Vous n'avez pas de place sur terre, obéissez ou mourez ! " - tel est le verdict de l'hégémon mondial qui veut dicter sa volonté à tous. Et toute cette bacchanale de mensonges, de haine et de violence est appelée "lutte pour la liberté et les droits de l'homme" !

Nous, qui vivons en Russie, pensons que la confrontation ouverte avec le mal, qui devient aujourd'hui le principal contenu de la politique internationale, non seulement ne nous encourage pas à imiter nos adversaires dans le cynisme, la cruauté et la tromperie, mais au contraire multiplie la valeur de l'humanité, la fidélité aux idéaux, la valeur du bien en tant que principale source de bonheur de vivre sur terre.

2.

Le mot "humanité" semble intuitif et sa signification évidente. Mais lorsque nous disons que l'humanité est la base de notre système de valeurs, nous décrivons son contenu à travers de nombreuses autres valeurs qui lui sont sémantiquement liées. Le nuage de valeurs que nous avons inclus dans la valeur unificatrice de l'humanité a absorbé des concepts tels que :

- Miséricorde, grandeur d'âme, humanité ;

- La bienveillance, la délicatesse, la considération, le respect des autres ;

- L'amour, la fraternité, le lien affectif, la chaleur humaine ;

- L’appréhension, l'empathie, la sympathie, la compassion ;

- L'altruisme, le dévouement, la capacité de sacrifice ;

- Bienveillance, soutien, réconfort ;

- Honneur et dignité.

Chacune de ces valeurs est chantée dans d'anciens textes religieux, dans des poèmes lyriques et des romans célèbres ; personne ne remet en question leur importance et leur beauté éthique. Et pourtant, notre pratique actuelle de la communication interpersonnelle semble repousser ces beaux cadeaux des deux mains, comme si elle en avait honte. On nous dit que la grandeur d'âme est une faiblesse, que le sacrifice est une folie, que l'amour est une illusion. Et que nous offre-t-on en retour ? - L'ambition (vanité), l'indépendance (l'isolement), la défense rigide de nos intérêts (la solitude). Il n'y a pas de Dieu - les cieux sont vacants, l'homme est livré à lui-même ; il n'y a pas d'amis - il y a des partenaires commerciaux ; il n'y a pas de péché - il y a des faiblesses pardonnables, des particularités individuelles, qu'il faut chérir et caresser : elles sont le plaisir principal d'une vie courte et dépourvue de sens. Il n'y a pas de patrie - il y a un lieu de résidence, qu’à tout instant on peut changer pour un autre, plus confortable. Et, bien sûr, mourir en défendant sa patrie est la chose la plus insensée qu'un homme puisse faire de sa vie unique et précieuse...

Et l’homme, libéré de tous ses devoirs et obligations, est-il devenu plus heureux, plus joyeux, plus serein ? Se sent-il en confiance, est-il certain de son avenir ? A-t-il vaincu la peur de la mort ?

La réponse est évidente : l'homme du XXIe siècle est plus que jamais obsédé par ses peurs, il souffre de solitude, il craint de faire confiance à son voisin, il échoue sans cesse face aux différents défis de la vie réelle. N'ayant pas réussi à s'y installer, n'ayant pas d'espoir pour l'avenir, il se donne corps et âme dans le monde virtuel de l'ordinateur, ou pire - il s'empoisonne avec des drogues, se noie dans la dépression, ou donne libre cours à son agressivité intérieure, en se battant pour les intérêts d'autrui ou en brisant les vitrines de ses villes natales.

Tel est le prix de l'abandon de l'humanité, des recettes anciennes et éprouvées du bonheur, de la joie et du sens de l'existence.





3.

Les Européens ont leur propre mot pour désigner ce que nous appelons "l'humanité", et ce mot est l'humanisme. Il est également largement utilisé en Russie, qui lui donne son propre sens. On croirait que personne ne s'opposerait au traitement humain des prisonniers de guerre, à la manifestation de l'humanité dans le domaine de la justice, dans la pratique du dialogue humain. Pourtant, une bonne compréhension de l'"humanisme" est inséparable du système d'idées dans lequel il est né et s'est élevé.

Il y a plusieurs siècles, le grand projet des Lumières a renversé Dieu de son piédestal et a placé à sa place l'homme comme nouvel être suprême, seule mesure du bien et du mal. En étudiant l'homme, ses faiblesses, ses désirs et ses motivations, la pensée scientifique européenne, et après américaine, a de plus en plus cédé au désir de "donner à l'homme ce qu'il veut". On n’a pas entendu les sages qui, explorant les profondeurs de l'âme humaine, ont mis en évidence la nature contradictoire, la faiblesse intérieure de l'homme et la nécessité de l'inciter à faire un effort, à se dépasser pour atteindre des objectifs plus élevés, dépassant les limites de sa vie.

La doctrine de l'humanisme, saluée à sa naissance par les meilleurs esprits d'Europe, a abouti aujourd’hui à des résultats paradoxaux. Au lieu de libérer l'homme, elle l'a enchaîné par ses propres faiblesses ; au lieu du bonheur et de la "fraternité", elle l'a condamné à la solitude, à la désunion et à la confusion face aux menaces existentielles. L'homme moderne, bénéficiaire de l'humanisme, n'est plus sûr de rien : il ne sait plus à quel sexe il appartient, ce qu'il veut, en qui il croit. Détruisant son principal rempart, sa famille, refusant d'avoir des enfants, méprisant son État, se consolant dans la drogue, il est devenu un orphelin de père et de mère dans un monde malpropre et dangereux qui a oublié Dieu.

Dans le roman de Fiodor Dostoïevski, nous trouvons l'expression ultime de cette attitude : "S'il n'y a pas de Dieu, tout est permis ! Mais ce que nous, libérés de notre conscience du devoir, faisons à nous-mêmes et au monde ambiant nous détruira".

Plus le monde du "post humanisme" devient inconfortable, plus nous, les héritiers de la spiritualité et de l'humanité russes, nous sentons porteurs de valeurs traditionnelles - plus européens que les Britanniques, les Français et les Allemands d'aujourd'hui. Leurs grands écrivains et penseurs - Dickens, Shakespeare, Flaubert, Stendhal, Goethe, Thomas Mann - parlent avec nous le même langage des valeurs. Nous les comprenons, nous les entendons, nous partageons leur attitude face à la vie, nous sommes prêts à accepter leurs préceptes. Nous ne réécrirons pas leurs pages, nous n'effacerons pas les "mauvais" héros, nous ne leur imposerons pas des interprétations ridicules en faveur de théories à la mode et de slogans fous.

Nous nous efforcerons plutôt de stimuler une saine immunité à l'inhumanité chez notre propre peuple et chez les peuples qui partagent nos valeurs et qui chérissent leur identité, leur héritage et leur tradition spirituelle.